Dans le cadre de débats en Espagne sur le fermeture des centrales nucléaires de fission et l’avenir des combustibles fossiles, un projet révolutionnaire prend forme à Saint Paul-lez-Durance, en France: la construction de l’ITER, un réacteur de fusion expérimental visant à reproduire l’énergie du soleil sur Terre.

Réacteur de fusion

Aujourd’hui, en Espagne, le débat sur la fermeture des centrales nucléaires de fission et l’avenir des combustibles fossiles est d’actualité. Pendant ce temps, au sud de la France, un projet scientifique se développe et pourrait transformer radicalement le paysage énergétique : une initiative sérieuse visant à reproduire sur Terre l’énergie qui alimente le Soleil.

Ce projet global se déroule à Saint Paul-lez-Durance, dans la région de Cadarache. Depuis des décennies, 33 pays collaborent à la construction d’un imposant réacteur de fusion expérimental qui ne produira pas d’électricité commerciale mais souhaite prouver quelque chose de beaucoup plus ambitieux : que la fusion peut être une source d’énergie propre, presque inépuisable et exploitable à grande échelle.

ITER, acronyme de Réacteur Expérimental Thermonucléaire International et qui signifie également « le chemin » en latin, est considéré par de nombreux chercheurs comme l’un des projets scientifiques les plus significatifs de l’histoire moderne. Au cœur de ce projet se trouvera un tokamak, une chambre à vide en forme de beignet entourée d’aimants puissants, dont l’objectif est de reproduire en laboratoire les réactions qui se produisent à l’intérieur du Soleil et des étoiles.

Ce n’est pas un simple prototype ; c’est le plus grand tokamak jamais construit. Son volume de plasma sera environ cinq fois plus grand que celui de tout autre dispositif précédent, ce qui permettra d’atteindre des conditions d’opération inédites et de tester pour la première fois, dans un environnement contrôlé, un plasma en combustion auto-entretenue.

Une alliance mondiale pour allumer « un Soleil » sur Terre

Les racines politiques et scientifiques d’ITER remontent à 1985, mais son développement s’est consolidé au fil des décennies. Sept grands membres participent officiellement : l’Union Européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis, représentant à eux seuls environ la moitié de la population mondiale et près de 73 % du PIB global.

Du côté européen, les 27 États membres de l’UE soutiennent la majorité du financement et de la coordination du projet. À leurs côtés, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis contribuent avec des éléments clés de la machinerie, des technologies de pointe et des équipes de recherche de premier plan.

Ce consortium dépasse ces principaux partenaires. ITER a signé des accords avec des pays comme l’Australie, le Kazakhstan, le Canada et la Thaïlande et maintient des liens avec près d’une centaine d’universités, de laboratoires et d’organisations internationales. La Suisse, après avoir été pays tiers non associé après 2020, est prévue pour une réintégration complète au programme en 2026, tandis que le Royaume-Uni continue de remplir les contrats déjà signés sans nouer de nouveaux accords après sa sortie d’Euratom.

Dans ce contexte de diplomatie scientifique, l’installation française sert de point de rencontre pour des milliers d’ingénieurs, de physiciens, d’experts en matériaux, de spécialistes en cryogénie et de techniciens de maintenance. La taille du consortium fait d’ITER l’un des plus grands efforts coopératifs de l’histoire de la science, comparable à des projets tels que le CERN, mais avec un impact potentiel plus direct sur le système énergétique mondial.

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Au-delà des chiffres, la grande ambition partagée est de prouver que la fusion nucléaire, basée sur la fusion de noyaux légers d’hydrogène, peut constituer la base d’une nouvelle civilisation énergétique sans émissions massives de carbone, avec des ressources de combustible abondantes sur Terre et sans les risques associés à la fission traditionnelle.

Le tokamak géant : un défi d’ingénierie sans précédent

Le cœur de tout le projet sera le tokamak d’ITER, une chambre toroidale de vide entourée d’aimants supraconducteurs qui généreront d’énormes champs magnétiques pour maintenir le plasma confiné sans contact avec les parois physiques du réacteur.

Pour y parvenir, une structure de dimensions colossales est en construction. La chambre à vide du réacteur se compose de neuf immenses sections en acier, fabriquées avec des tolérances millimétriques et conçues pour s’assembler comme un immense puzzle métallique. L’ensemble pèse plus de 400 tonnes, la rendant parmi les structures scientifiques les plus volumineuses et complexes jamais assemblées.

La société Westinghouse Electric Company participe à l’installation des principaux éléments de la chambre de combustion, dans le cadre de contrats d’une valeur d’environ 168 millions d’euros. Ce processus exige un degré de précision extrême : une petite erreur dans une soudure, un alignement minimum ou un défaut d’une jointure pourraient compromettre le comportement du plasma et nécessiter des réparations coûteuses.

Pour minimiser les risques, l’assemblage utilise des robots de haute précision, des systèmes de mesure laser et un contrôle continu qui vérifient la position et l’ajustement de chaque pièce. Chaque module doit s’emboîter non seulement du point de vue géométrique, mais aussi thermique et électromagnétique, car il sera soumis à des tensions extrêmes pendant l’opération.

Le but ultime est de disposer d’une chambre capable de contenir un plasma atteignant environ 150 millions de degrés Celsius, une température plusieurs fois supérieure à celle du noyau du Soleil. Dans ces conditions, les isotopes d’hydrogène — deutérium et tritium — peuvent surmonter leur répulsion électrique et fusionner, libérant une grande quantité d’énergie sous forme de chaleur.

Comment le processus énergétique du Soleil est tenté d’être répliqué

La base physique d’ITER est la fusion nucléaire, la même réaction qui maintient les étoiles allumées. Contrairement à la fission, qui divise des noyaux lourds, la fusion unit des noyaux légers pour former des noyaux plus lourds, libérant de l’énergie dans le processus.

Pour ITER, le plan est d’injecter du deutérium et du tritium dans la chambre à vide, de les chauffer pour les transformer en plasma et d’utiliser des champs magnétiques extrêmement puissants pour confiner ce plasma sans le toucher. Si tout fonctionne comme prévu, une partie des particules d’hélium émises lors de la fusion restituera son énergie au plasma, aidant ainsi à maintenir la température par elle-même.

La cible technique clé se résume à un chiffre : Q = 10. Cela implique de générer environ 500 mégawatts de puissance de fusion pour seulement 50 mégawatts d’énergie de chauffage fournie de l’extérieur. En d’autres termes, multiplier par dix le rendement énergétique par rapport à ce qui est initialement introduit dans le système.

À ce jour, le record mondial appartient au tokamak européen JET, qui a obtenu environ 16 MW de puissance de fusion en utilisant 24 MW d’énergie de chauffage. ITER cherche à faire un saut d’échelle et à prouver, pour la première fois, qu’il est possible d’opérer dans un régime de gain énergétique clairement supérieur à un, condition indispensable pour une future centrale électrique commerciale.

Contrairement à un réacteur industriel, ITER n’est pas conçu pour produire de l’électricité. Sa fonction est strictement expérimentale : confirmer que la physique et l’ingénierie permettent de maintenir un plasma en combustion stable pendant des durées suffisamment longues et avec un bilan énergétique favorable.

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Avantages et défis de la fusion par rapport à l’énergie actuelle

La fusion nucléaire a été présentée pendant des décennies comme l’« énergie rêvée » en raison de ses avantages théoriques sur d’autres sources. Parmi les points forts que l’on cherche à vérifier dans ITER figurent l’absence d’émissions de CO2 pendant l’opération, la disponibilité du combustible et la réduction drastique des déchets radioactifs à longue durée de vie par rapport à la fission.

Contrairement aux centrales nucléaires conventionnelles, il n’existe aucun risque de réactions en chaîne incontrôlables, car le plasma se refroidit naturellement si le confinement magnétique ou l’apport de combustible est interrompu. Cela réduit le potentiel d’incidents graves et simplifie certains aspects de la sécurité, diminuant les risques liés à la fission traditionnelle.

Cependant, le grand défi réside dans l’ingénierie nécessaire pour contrôler un plasma à des températures extrêmes. Les 150 millions de degrés prévus exercent d’énormes tensions thermiques et magnétiques sur la structure, nécessitant des systèmes de refroidissement extrêmes et un contrôle en temps réel de tout ce qui se produit à l’intérieur du réacteur.

Pour cela, ITER s’appuie sur un réseau technologique très sophistiqué : des aimants supraconducteurs opérant à des températures proches du zéro absolu, des capteurs distribués qui surveillent en permanence le comportement du plasma, et des algorithmes de contrôle complexes qui ajustent les champs magnétiques presque instantanément lorsqu’ils détectent une instabilité.

Cette combinaison de physique de hautes énergies, de sciences des matériaux, de cryogénie et de robotique fait que chaque avancée dans la construction et la future exploitation du réacteur sera, à elle seule, un jalon de l’ingénierie moderne. Ce n’est pas seulement un expérience nucléaire, mais un banc d’essai intégral pour des technologies qui, en grande partie, sont encore en train de mûrir.

Technologies clés qui seront mises à l’épreuve dans ITER

Le projet ne se limite pas à allumer le plasma et à mesurer son comportement. ITER servira également à valider une série de technologies critiques indispensables à la construction future de centrales de fusion commerciales connectées au réseau.

Parmi ces développements figurent des aimants supraconducteurs de grande taille, capables de générer des champs magnétiques intenses avec une consommation d’énergie raisonnable, ainsi que les systèmes de cryogénie nécessaires pour les maintenir à des températures très basses. Des techniques de maintenance à distance seront également testées, essentielles dans un environnement où la radiation résiduelle empêche l’accès fréquent du personnel.

Un autre élément stratégique est les modules destinés à la production de tritium à l’intérieur même du réacteur. Puisque le tritium est rare naturellement, toute centrale commerciale devra le générer en son sein grâce au « couverture en lithium », où les neutrons libérés dans la fusion interagissent avec ce métal pour produire plus de combustible.

Le système de cycle de combustible, les outils de diagnostic avancés pour observer le plasma en temps réel et les structures de confinement sont également au programme des technologies qui seront validées dans cette installation. L’objectif est de sortir de la phase expérimentale avec un ensemble de solutions prêtes — ou presque prêtes — à être adaptées aux réacteurs de démonstration et, plus tard, aux centrales commerciales.

En parallèle, la sécurité reste primordiale. En 2012, les autorités françaises ont reconnu ITER comme installation nucléaire après un processus d’évaluation approfondi. Un des objectifs explicites du programme est de prouver qu’un réacteur de fusion peut fonctionner avec des impacts environnementaux pratiquement nuls et avec des protocoles garantissant la protection du personnel et des communautés environnantes.

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Le calendrier vers les premiers plasmas de fusion

La construction d’ITER progresse depuis 2010 sur une surface d’environ 42 hectares dans le sud de la France. Le bâtiment principal abritant le tokamak a été achevé en 2020, et depuis, la phase d’assemblage d’environ un million de composants provenant de tous les pays partenaires est en cours.

En novembre 2024, le Conseil d’ITER a approuvé un nouveau plan de référence qui ajuste le calendrier pour privilégier un démarrage scientifique plus solide. Selon cette feuille de route, la phase initiale, intitulée Début des opérations de recherche, commencera en 2034 avec des plasmas d’hydrogène et de deutérium-deutérium.

Après cette première étape, il est prévu d’atteindre en 2036 la célèbre énergie magnétique complète, c’est-à-dire la configuration des champs nécessaires pour réaliser des expériences plus exigeantes. Enfin, le début des opérations avec deutérium-tritium, qui permettront réellement d’étudier la fusion pertinente pour la production d’énergie, est prévu pour 2039.

Bien que ce calendrier puisse sembler éloigné, il faut tenir compte de l’échelle du projet et de la nécessité de valider chaque étape. Toute précipitation dans un système de cette taille pourrait entraîner des problèmes bien plus importants à long terme, de sorte que les délais répondent à la fois à la complexité technique et aux exigences de sécurité nucléaire.

Parallèlement, les travaux d’assemblage du cœur du réacteur et de ses systèmes auxiliaires constituent en eux-mêmes une source de connaissance et d’expérience déjà exploitée dans d’autres programmes de fusion européens et nationaux, y compris des initiatives en Espagne et dans divers pays de l’UE.

L’effort concentré sur ITER reflète à quel point l’humanité mise une partie de son avenir énergétique sur sa capacité à maîtriser la même réaction qui fait briller le Soleil. Si l’expérience française démontre que la fusion peut être maintenue de manière stable, avec un gain énergétique et sans impacts environnementaux significatifs, cela marquera un pas décisif vers la création, dans les prochaines décennies, des premières centrales de fusion commerciales capables de fournir une électricité abondante et à faible carbone, opérationnelle pendant plusieurs générations.

Mon avis :

Le projet ITER représente un tournant potentiel dans la production d’énergie à travers la fusion nucléaire, offrant des avantages considérables comme une source d’énergie propre et presque inépuisable. Cependant, les défis techniques demeurent énormes, notamment en matière de contrôle du plasma à des températures extrêmes et des coûts de construction de 160 millions d’euros pour certains composants. Le succès d’ITER pourrait transformer radicalement le paysage énergétique mondial, bien que le calendrier de réalisation reste ambitieux, avec des premières expérimentations prévues pour 2034.

Les questions fréquentes :

Qu’est-ce que le projet ITER ?

Le projet ITER, acronyme de « Reactor Experimental Termonuclear International », est un effort collectif de 33 pays visant à reproduire sur Terre le processus énergétique qui alimente le Soleil. Situé à Saint Paul-lez-Durance, en France, c’est le plus grand tokamak jamais construit, conçu pour démontrer que la fusion nucléaire peut être une source d’énergie propre et pratiquement inépuisable.

Quels sont les principaux objectifs d’ITER ?

Les principaux objectifs d’ITER incluent la validation de la fusion nucléaire comme une base de nouvelle énergie sans émissions massives de carbone et la démonstration que la fusion peut produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Le projet vise à atteindre un facteur de gain énergétique de Q=10, c’est-à-dire générer 500 megawatts de fusion avec seulement 50 megawatts d’énergie d’entrée.

Quelles sont les différences entre la fusion et la fission nucléaire ?

La fusion nucléaire, qui combine des noyaux légers comme l’hydrogène pour former des noyaux plus lourds, libère une grande quantité d’énergie sans créer de déchets radioactifs à long terme, contrairement à la fission, qui divise des noyaux lourds. De plus, la fusion ne présente pas de risque de réactions en chaîne incontrôlables, car le plasma se refroidit naturellement en cas d’interruption, rendant le processus généralement plus sûr.

Quel est l’avancement actuel de la construction d’ITER ?

La construction d’ITER a commencé en 2010 et l’assemblage des composants se poursuit actuellement. Le bâtiment principal pour le tokamak a été achevé en 2020, et la première phase d’opérations de recherche devrait débuter en 2034 avec des plasmas hydrogène et deutérium. Les opérations avec deutérium-tritium, essentielles pour l’étude de la fusion énergétique, sont prévues pour 2039.

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