Des centaines de personnes se sont réunies sur la plage de Salinetas à Telde pour protester contre la contamination marine causée par les cages aquicoles. Cette chaîne humaine, soutenue par la Plataforma por un Litoral Limpio et des organisations comme Greenpeace, témoigne du ras-le-bol collectif face à la dégradation de l’environnement côtier.
Une chaîne humaine contre la pollution marine à Salinetas, Telde
Des centaines de personnes se sont réunies sur la plage de Salinetas, à Telde, formant une longue chaîne humaine pour protester contre la pollution marine liée aux cages d’aquaculture installées au large de la côte. L’image de ces voisins, groupes sociaux et organisations écologistes main dans la main sur le sable est le reflet du ras-le-bol qui règne sur le littoral teldense après des mois de saleté, d’odeurs nauséabondes et de fermetures de plages.
Cette initiative, lancée par la Plateforme pour un Littoral Propre et soutenue par des groupes tels que Greenpeace et le collectif Turcón, intervient après l’une des pires crises environnementales récentes à Gran Canaria, marquée par une mortalité massive de poissons dans les fermes marines et par une série de restrictions de baignade sur une grande partie de la côte est et sud de l’île. Les participants pointent du doigt les cages marines d’Aquanaria et la gestion défaillante des rejets comme des éléments clés d’un problème qu’ils estiment enraciné depuis des décennies.
Une chaîne humaine vêtue de noir face à la mer
À 11h00, et après une première tentative infructueuse à cause de la tempête Emilia, des habitants de Melenara, Salinetas et d’autres zones du municipio ont commencé à former des files sur le sable et le long de la promenade pour créer une chaîne humaine. Vêtus en grande partie de noir en signe de deuil pour l’état de la mer, ils se sont organisés en plusieurs rangées, certains sur la plage, d’autres le long de la promenade, brandissant des pancartes avec des slogans tels que « Cages marines non » ou « littoral propre et sûr ».
Pendant plus de trente minutes, la chaîne humaine est restée solide, accompagnée de klaxons et de slogans scandés en chœur. Parmi les phrases les plus répétées, on pouvait entendre : « Ça pue, le peuple s’exprime », « Haut, bas, les cages au diable » et des messages clairs contre l’aquaculture industrielle. Plantées dans le sable, des croix noires symbolisaient les pertes environnementales et économiques que, selon les organisateurs, le littoral subit depuis le début des opérations des fermes marines.
Cette rencontre, conçue comme une mobilisation pacifique et ouverte, a attiré des habitants, des utilisateurs réguliers des plages, des associations, des représentants de partis et des élus. Dans une ambiance revendicative mais calme, de nombreuses familles ont profité de la journée ensoleillée, presque estivale, pour combiner baignade et protestation, soulignant le contraste entre l’utilisation récréative de la côte et la dénonciation d’une mer qui n’est pas comme elle devrait.
L’événement s’est terminé par la lecture d’une déclaration institutionnelle par une résidente de Salinetas, un texte qui sera transmis au Conseil Municipal de Telde dans les jours à venir. Le document appelle à des mesures urgentes, à plus de transparence et à un changement de cap dans la gestion du littoral.
Un voisinage organisé et un soutien écologiste
La Plateforme pour un Littoral Propre, qui regroupe des résidents et des groupes de la zone, canalise depuis un certain temps les plaintes de ceux qui affirment cohabiter depuis la fin des années 1990 avec des épisodes de mauvaises odeurs, de restes de nourriture sur le rivage et des rejets visibles dans l’eau. Des associations comme Meclasa, représentant des habitants de Melenara, Clavellinas et Salinetas, soulignent que ces désagréments ne sont pas nouveaux, mais résultent de trois décennies d’activité aquacole au large de la côte de Telde.
Les organisations écologistes ont également joué un rôle important lors de la protestation. Greenpeace a installé un stand informatif sur la promenade, où elle a recueilli des signatures contre l’aquaculture industrielle à proximité de la côte et a expliqué ses critiques à l’égard d’un modèle intensif qui, selon elle, génère des impacts sur le fond marin dus à l’accumulation de nourriture, de déchets, de graisses et d’autres déchets. L’organisation a rappelé que les cages se trouvent à environ 350 mètres de la plage de Melenara, une localisation que le Plan Régional d’Aménagement de l’Aquaculture des Canaries (PROAC) considère comme zone interdite ou restreinte pour ce type d’installations.
Depuis le collectif Turcón, sa présidente Consuelo Jorge a centré ses critiques sur le manque de contrôle institutionnel sur une activité qui, selon elle, dure depuis plus de trente ans sans une supervision adéquate. Elle a dénoncé ce qu’elle considère comme une abandon de fonctions de la part des administrations compétentes et a accusé les autorités d’avoir permis pendant trop longtemps un modèle d’exploitation qu’elle qualifie de « toxique pour la santé et l’environnement ».
Les collectifs citoyens soulignent que mécontentement va bien au-delà d’une simple irritation causée par un rejet : ils affirment que le littoral a perdu une bonne partie de sa biodiversité marine, avec la disparition d’espèces filtrantes et la prolifération d’épisodes d’infections cutanées, de problèmes d’oreilles ou de troubles gastro-intestinaux chez certains utilisateurs réguliers de la baignade. Face à cette situation, Turcón et la Plateforme pour un Littoral Propre collectent des cas et des témoignages en vue de possibles procédures judiciaires futures.
Des représentants du voisinage, comme Leonardo Hernández, rappellent qu’en 2000, le Conseil Municipal de Telde a approuvé une réprobation formelle des cages marines et a demandé au gouvernement des Canaries de les retirer. Cette résolution, soulignent-ils, n’a jamais été exécutée, ce qui, selon eux, témoigne d’un manque de volonté politique pour résoudre un conflit enraciné.
Pression politique, démissions et présence institutionnelle
La chaîne humaine à Salinetas a également eu un fort accent politique. Parmi les participants se trouvait le maire de Telde, Juan Antonio Peña, accompagné de plusieurs conseillers de la municipalité. Le maire s’est mis au premier rang, arborant le même t-shirt noir que la majorité des participants, geste qui a illustre son soutien aux demandes des habitants.
Cependant, les associations de quartier critiquent également le Conseil Municipal de Telde. Certains porte-parole estiment que, lors du dernier épisode grave de pollution, la municipalité a réagi avec retard, alimentant un sentiment d’abandon institutionnel. Cet épisode fait actuellement l’objet d’une enquête par la Procureur de l’Environnement et le Seprona de la Garde Civile, qui cherchent à éclaircir l’origine de la pollution ainsi que les responsabilités administratives et commerciales.
La tension se focalise particulièrement sur le Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage, de la Pêche et de la Souveraineté Alimentaire du Gouvernement des Canaries et sur la Direction Générale de la Pêche. La plateforme et les groupes écologistes les accusent de ne pas avoir exercé un contrôle direct, continu et rigoureux sur les installations aquacoles, bien que l’entreprise exploitante possède plus de 25 licences en cours et opère depuis 1987 le littoral de Telde.
Au cours de la manifestation, des demandes de démission du conseiller Narvay Quintero et du directeur général de la Pêche, Esteban Reyes ont résonné. Les organisateurs soutiennent que ces deux autorités se sont limitées à « apposer des tampons de garantie » sur les rapports présentés par l’entreprise, sans vérifier sur le terrain le respect des conditions environnementales et de sécurité requises. Pour la plateforme, cette présumée absence de contrôle a permis la mise en place d’un modèle d’aquaculture surdimensionné et hors normes.
Certaines porte-parole, comme Bego Ruiz, vont plus loin en dénonçant que l’entreprise aurait l’autorisation pour 36 cages mais en gérerait 52 structures, dont 22 dans la zone connue sous le nom de Melenara 2, une zone qu’ils décrivent comme restreinte pour l’aquaculture selon la réglementation en vigueur. Selon la plateforme, cela transforme la situation en une « bombe à retardement » qui aurait explosé avec la récente mortalité des poissons.
Les collectifs demandent également que le propre Conseil Municipal se constitue partie dans les procédures judiciaires ouvertes, pour défendre activement les intérêts de la municipalité. Ils estiment que la voie judiciaire sera pratiquement inévitable, car, selon eux, « les plages ont été fermées, mais les cages ont continué à fonctionner normalement » malgré le mécontentement social.
La crise environnementale : mortalité des dorades et plages fermées
Le contexte immédiat de la chaîne humaine est la crise maritime de pollution débutée à la mi-octobre. À ces dates, des taches huileuses, des poissons morts et de fortes odeurs ont commencé à être détectées sur les plages de Salinetas et Melenara, un phénomène qui s’est ensuite étendu à quinze plages de l’est et du sud de Gran Canaria. Les autorités locales ont décrété la fermeture préventive de nombreuses zones de baignade, qui sont restées fermées pendant des semaines.
Cette situation a profondément affecté l’entreprise aquacole Aquanaria, responsable des fermes de dorades au large de la côte teldense. Selon les données rendues publiques, cet épisode a conduit à la mort d’environ 2 500 tonnes de dorades, représentant environ 40% de la production de l’une de ses exploitations, avec des pertes économiques que l’entreprise évalue à plus de 30 millions d’euros. Ce désastre a ravivé un débat qui étaient en attente depuis longtemps concernant le modèle d’aquaculture intensive aux Canaries.
La Direction Générale de la Santé Publique du Gouvernement des Canaries a finalement certifié, le 19 décembre, que les eaux des cinq principales plages de Telde—Tufia, Melenara, Salinetas, Aguadulce et Ojos de Garza—étaient à nouveau aptes à la baignade. Cependant, pour de nombreux habitants, le mal était déjà fait : non seulement leur routine de loisirs avait été interrompue, mais cela avait aussi affecté des entreprises de restauration, la coopérative de pêcheurs et d’autres activités liées à la côte.
L’entreprise attribue la mortalité des poissons à un rejet industriel provenant d’émissaires sous-marins situés dans la même zone. Une partie de la communauté scientifique, en revanche, évoque un effondrement interne du système de culture, lié à l’accumulation de matière organique, à une chute des niveaux d’oxygène et au stress des poissons dans des conditions de forte densité. Ce choc d’interprétations a alimenté l’incertitude et la méfiance parmi la population, qui réclame clarté et données officielles complètes sur ce qui s’est passé.
Pendant ce temps, les collectifs de voisinage soutiennent que, indépendamment du déclencheur précis de la mortalité, la présence d’un grand nombre de cages à proximité de la côte aggrave la vulnérabilité de l’écosystème. Ils affirment que le rejet constant de nourriture, de farines, d’excréments et d’huiles aurait progressivement diminué la capacité de récupération du fond marin, jusqu’à laisser une situation critique où toute défaillance ou épisode externe a des effets beaucoup plus sévères.
Émissaires, rejets et une qualité de l’eau sous suspicion
Le point de discorde ne se limite pas aux cages marines. Des rapports récents concernant l’émissaire sous-marin du barranco de Silva ont ajouté de nouveaux doutes sur la qualité des rejets en mer dans la zone. Une inspection de la Direction Générale de la Transition Écologique et de Lutte contre le Changement Climatique du Gouvernement des Canaries a confirmé que la conduite d’évacuation ne respecte pas l’autorisation en vigueur, qui ne permet que le rejet d’eaux usées urbaines épurées provenant de la EDAR d’Ojos de Garza.
Selon ce rapport, l’émissaire a détecté la présence de rejets non autorisés, connectés à la station d’épuration de Silva, une installation qui ne serait pas équipée pour traiter certains contaminants industriels. Les analyses réalisées en 2023 et 2024 auraient trouvé des niveaux de nickel, de sélénium et de zinc dissous, ainsi que des pesticides tels que chlorpyrifos et terbuthylazina, substances expressément interdites dans l’autorisation de rejet.
De plus, le rapport souligne de graves carences techniques dans l’infrastructure de l’émissaire, qui ne disposerait pas du tronçon diffuseur final de 36 mètres prévu dans son design et ne comporterait qu’une seule bouche de décharge. Cette configuration réduit la capacité de dilution des effluents et amplifie leur impact sur le milieu marin. Il est également constaté que tous les contrôles analytiques mensuels obligatoires ne sont pas effectués, ni que l’absence de substances prioritaires dans l’eau rejetée est garantie.
Le fonctionnement de la EDAR de Silva est un autre point critique souligné. Le document officiel décrit une absence de traitement secondaire adéquat et des écarts très élevés dans des paramètres clés tels que la Demande Biochimique d’Oxygène (DBO), la Demande Chimique d’Oxygène (DQO) et les solides en suspension, avec des augmentations dépassant largement les limites permises. Cette situation, avertissent les collectifs, représente un risque sévère pour la vie marine et contribue à détériorer la qualité générale de l’eau dans l’environnement.
Les données recueillies indiquent que, quelques jours avant l’inspection, le personnel de l’installation aquacole aurait détecté un rejet visible, de couleur blanchâtre et d’odeur chimique intense près de la bouche de l’égout, coïncidant temporellement avec une mortalité anormale de poissons dans plusieurs élevages en phase avancée de croissance. Bien que la relation directe entre ces deux faits reste à éclaircir, cette coïncidence temporelle renforce, selon les organisateurs de la protestation, la nécessité d’enquêter de manière exhaustive et coordonnée tous les foyers de contamination affectant le littoral teldense.
Face à ce tableau, la Plateforme pour un Littoral Propre insiste sur la nécessité de ne pas se limiter à pointer du doigt une seule activité. Elle demande la publication intègre des rapports de qualité des eaux, tant ceux liés aux cages marines que ceux associés aux rejets d’eaux usées et industrielles, afin que la population et la communauté scientifique puissent évaluer rigoureusement l’état réel de la côte.
Revendications des habitants : fermeture des cages, transparence et nouveau modèle
Les revendications exprimées lors de la chaîne humaine se concrétisent en plusieurs demandes. La plus fréquente est la retrait définitive des cages marines face à Telde, considérant que leur emplacement et leurs caractéristiques sont incompatibles avec la protection du milieu marin et l’utilisation sûre des plages. Pour les habitants et les collectifs écologistes, la cohabitation avec une large exploitation aquacole si proche de la côte s’est avérée « insoutenable » tant sur le plan environnemental que social et économique.
En plus de la fermeture des installations existantes, la plateforme exige une révision approfondie du modèle aquacole aux Canaries, en favorisant des systèmes avec une densité de poissons inférieure, un meilleur contrôle des rejets et un emplacement qui réduise l’impact sur les zones côtières les plus sensibles. Des organisations comme Greenpeace proposent des alternatives complémentaires, telles que l’encouragement de la pêche artisanale, le développement de fermes d’algues ou l’aquaculture terrestre à faible impact, qui est déjà explorée dans des projets pilotes sur l’île.
Une autre grande demande est la transparence informationnelle. La population réclame l’accès aux études officielles sur la mortalité des dorades, les résultats des analyses d’eau et les procès-verbaux d’inspection concernant tant l’entreprise aquacole que les émissaires d’eaux usées. Des phrases entendues pendant la protestation, telles que « nous attendons depuis des mois les résultats et nous n’obtenons que du silence » ou « nous ne voulons diaboliser personne, nous voulons juste savoir ce qui se passe », résument le climat de méfiance.
Les collectifs appellent également à renforcer les mécanismes de contrôle et de sanction face aux violations environnementales. Pour cela, ils estiment nécessaire de donner plus de moyens aux administrations compétentes, d’améliorer la coordination entre des domaines tels que la pêche, l’environnement et la santé publique, et de garantir que les autorisations de rejet et d’aquaculture se conforment strictement à la législation en vigueur, y compris la loi d’impact environnemental.
En parallèle, la Plateforme pour un Littoral Propre et des associations telles que Meclasa continuent à recueillir des témoignages d’affections à la santé, de pertes économiques et de dommages aux activités de pêche et touristique. Leur intention est de disposer d’une base documentaire solide qui soutienne d’éventuelles réclamations administratives ou, si nécessaire, une procédure judiciaire visant à établir des responsabilités et à fixer des engagements pour la restauration environnementale de la zone affectée.
La chaîne humaine de Salinetas est ainsi devenue un symbole visible d’un conflit ouvert entre un modèle d’exploitation intensive de la mer et une population qui exige un littoral propre, sûr et compatible avec la baignade, la pêche artisanale et l’activité économique locale. Au milieu des slogans, des croix noires dans le sable et des mains entrelacées face aux vagues, le message transmis aux institutions est que la patience des habitants s’épuise et qu’après des années de dénonciations, ils attendent des décisions concrètes pour freiner la pollution et marquer un tournant dans la gestion de la côte de Telde.
Mon avis :
La mobilisation citoyenne à Telde témoigne d’un fort mécontentement face à la pollution marine liée à l’aquaculture. Alors que des initiatives comme celle de la Plateforme pour un Litoral Limpio soulignent la prise de conscience collective, les questions sur la gestion environnementale et les retards institutionnels restent préoccupantes, nécessitant des actions urgentes et transparentes.
Les questions fréquentes :
Qu’est-ce qui a motivé la formation d’une chaîne humaine à Telde ?
Des centaines de personnes se sont réunies sur la plage de Salinetas à Telde pour protester contre la pollution marine liée aux cages d’aquaculture installées le long de la côte. Cette mobilisation vise à exprimer le ras-le-bol des résidents face à des épisodes de saleté, de mauvaises odeurs et de fermetures de plages qui persistent depuis des mois.
Qui sont les organisations impliquées dans cette initiative ?
L’initiative a été promue par la Plataforma por un Litoral Limpio, soutenue par des groupes tels que Greenpeace et le collectif Turcón. Ces organisations militent pour une meilleure gestion de l’environnement et dénoncent la pollution induite par les cages marines, qui ont des impacts néfastes sur le littoral.
Quel est le principal problème environnemental identifié ?
Le principal problème souligné est la mortalité massive de poissons dans les fermes marines, avec des conséquences sur la santé de l’écosystème marin. Les manifestants accusent les cages d’Aquanaria et une mauvaise gestion des déchets d’être au cœur de cette crise environnementale persistante, qui a conduit à la fermeture de plusieurs plages.
Quelles sont les principales revendications des citoyens ?
Les citoyens réclament la fermeture définitive des cages marines, une transparence accrue dans la gestion des ressources aquatiques et une révision globale du modèle d’aquaculture en place. Ils demandent également des mesures urgentes pour protéger l’environnement et pour garantir que les conditions de baignade soient sûres pour le public.

